Editorial - mars 2021 [es]
Mars, le mois de la francophonie
Cette année, nos ambassades seront à nouveau pavoisées, en mars, du drapeau de la francophonie. A défaut de pouvoir organiser de nombreuses manifestations culturelles dans les villes où la langue française se pratique, nous pourrons au moins songer qu’il y a toujours du mérite à faire flotter les couleurs de notre réseau mondial.
Ce sera aussi l’occasion de relire le rapport remis en août 2014 au Président François Hollande par M. Jacques Attali. Ce document intitulé “La Francophonie et la Francophilie, moteurs de croissance durable”, contenait une quantité remarquable de propositions (53 !) qui demeurent d’actualité. Certaines d’entre elles n’ont pas vu le jour, je pense en particulier à la n°16 -“Créer un Netflix francophone”-, à l’heure où la consommation d’images occupe une grande partie des loisirs, du moins pour les populations dotées d’écrans portatifs. Mais comment ne pas penser en premier lieu à la langue, au livre, à ce qui fait la richesse première de notre civilisation ?
Et donc, pour ceux qui seraient rebutés par la perspective d’une lecture aussi austère que ce rapport dont je retiens le néologisme assez bien balancé « francophilophone », je suggère de se rabattre vers l’œuvre de Philippe Jaccottet, qui vient de nous quitter (24 février) pour un autre monde. Ce poète suisse fut l’ami du pluriel, de tous les pluriels en réalité, et c’est à sa vision plurielle du monde qu’il me semble important de rendre hommage.
L’un de ses recueil le plus célèbre s’appelait « Paysages avec figures absentes », et tous ces pluriels demeureront une composante de sa marque au monde : comme des « demi-réflexions » ou des « leçons de ténèbres », ces ouvrages les plus connus proposent de célébrer l’intelligence et le mystère des choses. « Chants d’en bas », « Pensées sous les nuages », « Airs »…Chacun de ces livres peut s’appréhender comme une transaction secrète avec les autres, et pas seulement ceux de l’espace francophone. Jaccottet a en effet traduit des poètes allemands, comme Hölderlin, russes, comme Ossip Mandelstam, ou italiens, comme Giuseppe Ungaretti.
Bonne lecture et à bientôt pour une francophonie « en présentiel », si les écoles finissent par rouvrir dans ce pays. Pour l’ambassade de France, c’est en effet le sujet prioritaire, sans lequel il ne saurait y avoir d’avenir : pas d’enfants dans les écoles, cela revient à sacrifier une génération, à se résigner à la mort de la littérature, de la musique, du sport, des sciences, bref, à la mort du pluriel cher à Jaccottet. Tous ensemble, luttons pour une réouverture rapide de nos écoles.